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Association  l'Ours Blanc

L'Ours Blanc est une association à but non lucratif de type "loi 1901", qui a pour objectif de regrouper 
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"Coup franc indirect" - Entretien avec Luc Fori, par Pascale Cherrier

Publié le 6 Novembre 2021 par Ours Blanc in Nos Ursidés publient, Entretiens

"Coup franc indirect" - Entretien avec Luc Fori, par Pascale Cherrier

Nous avons déjà publié dans la revue Chemins de Traverse des recensions des récits de Luc Fori.

Berruyer par adoption, Luc écrit depuis des années des romans, des nouvelles, des poèmes. Il est notamment l’auteur d’une série de six polars mettant en scène William Carvault, ancien flic reconverti en détective privé, puis en agent immobilier qui mène enquête roman après roman, sur des thèmes toujours différents. Cinq polars « berrichons », à la fois littéraires et loufoques, pleins d’humour et de dérision, de jeux de mots sur fond de blues. Le dernier (le sixième) n’échappe pas à la règle, mais c’est à un retour en arrière que le lecteur assiste : dix ans avant sa dernière aventure, Will, jeune flic du Quai des orfèvres, à la veille de sa séparation d’avec Claire, plonge dans le milieu des dealers et du foot professionnel.

Entretien :

Chemins de traverse : On peut dire que Coup franc indirect est une « préquelle » (la préquelle, qui raconte notamment l’origine des personnages et des événements de l’œuvre originale, s’oppose donc à la suite (sequel en anglais). Pourquoi ce choix qui semble signifier que les aventures de Will Carvault s’arrêtent là, que tu n’en écriras plus d’autres le mettant en scène ? Lassitude ?

 

Luc Fori : Non. En fait, on peut dire qu’il s’agissait un peu d’une « commande ». Lorsque La part du loup était paru, j’ai eu deux refus d’éditeurs, dont un « gros »,  liés au fait qu’il s’agissait d’une série, et m’assurant que si c’était un « one shot », ils le prendraient. Du coup, je me suis amusé à produire un « one shot », un polar indépendant des autres. Mais tant qu’à faire je n’ai pas abandonné mon personnage, j’ai juste éclairé son passé de policier, joignant ainsi l’utile à l’agréable. Quant aux éditeurs, le « gros » a un peu hésité puis finalement refusé. Le petit, Guillaume Belloy,  a tenu parole d’où ce nouveau format que j’aime beaucoup. L’écriture de ce « one shot » m’a donné beaucoup de plaisir, puisque j’étais libéré de toutes les contraintes du monde que j’avais construit autour de Will au fil des autres bouquins.  

Chemins de traverse : le roman raconte un temps où les instits ne s’appelaient pas encore profs des écoles, où le smartphone relevait de la science fiction. Nostalgie ?

Luc Fori : Oui, sans doute. Il y a aussi la nostalgie liée aux lectures et aux films mettant en scène le fameux quai des Orfèvres, les couloirs crasseux, l’odeur des cigarettes et de la pipe de Maigret que j’imaginais bien grâce au tabac hollandais que fumait mon père! Tout ça correspond à mon enfance et ma jeunesse, les feuilletons avec Jean Richard ou plus tard avec Bruno Cramer. Quelque part, j’ai sans doute écrit ce bouquin en noir et blanc.


Chemins de traverse : on retrouve une écriture toujours très « polar noir » : je reprends une de tes phrases dans un de tes précédents romans : « Il n’y a pas de bon polar sans un peu de fesse ».  On a toujours ce même personnage, plus jeune certes, mais déjà inquiet malgré une apparente désinvolture, et ce goût de la dérision qui ne le quittera pas dans les six autres récits. On retrouve le bleu des yeux immanquablement présent dans chaque roman, la couleur étant déclinée en « regard bleu butagaz », « regard bleu-vert », « « yeux bleus », « d’un bleu si profond qu’ils en paraissaient noirs », « yeux bleus incertains, parfois bleus, parfois verts ». On retrouve la musique bien sûr. Veux-tu nous parler de ces choix d’écriture ? Et de ta conception du roman policier ?

Luc Fori : J’ai conservé les mêmes modèles, le roman noir américain, avec cette écriture à la première personne en particulier, qui me semble plus réaliste que ces récits à la troisième personne où l’écrivain dévoile artificiellement les  différents personnages et leur passé... Comme si c’était comme cela dans la vie ! Pour moi la réalité se limite à ce que voit, sent, ressent William, erreurs et aberrations comprises. J’ai commencé par admirer Jim Thompson pour cette capacité à nous faire entrer dans une conscience, même et surtout dans celle de quelqu’un de parfaitement immoral. Depuis j’ai découvert d’autres auteurs, et à chaque fois, c’est cette technique qui me séduit, aussi bien chez Philip Kerr que chez Robert Crais, des auteurs que m’a présentés récemment un ami libraire. Souvent chez ces auteurs, il y a aussi un fond musical qui correspond à ce qu’écoute le personnage. Comme dans la vraie vie, quand on est poursuivi par un air toute la journée. La musique donne une couleur supplémentaire au récit. Pour moi, c’est la mélancolie du blues, une mélancolie qui sent la révolte aussi.

Chemins de traverse : chaque roman est une plongée dans un monde différent, que ce soit l’écologie, les dangers du virtuel, l’élevage industriel et les dégâts de Monsanto, le milieu des mosquées et du Djihadisme, les délires quasi conspirationnistes, le milieu du foot professionnel… Alors, comme Zola, es-tu allé « sur place » avec des petits carnets pour te renseigner ? Car c’est fouillé tout de même, les informations sont vraiment sérieuses. Tu t’es passionné pour chaque sujet ?


Luc Fori : Oui, mais plus modestement que Zola. Les hasards de la vie ont fait que j’ai pu visiter les coulisses d’un grand club professionnel et fréquenter - un peu – certains joueurs et responsables. J’ai finalement assez peu d’imagination et me contente souvent de broder une histoire autour de mes souvenirs. Il en est de même pour chaque roman : à chaque fois j’étais assez bien « documenté ».

Chemins de traverse : l’humour ! L’humour dans chacun de tes romans. La dérision, les jeux de mots. Comme quand on fait des gammes. C’est ça aussi, ta conception du polar ? Tu as dû t’amuser en nous amusant.


Luc Fori : Il ne faut pas se prendre trop au sérieux. L’humour ramène peut-être tout ça à son vrai niveau. Il ne s’agit que d’un monde de papier.


Chemins de traverse : peut être que tu ne veux pas en parler, mais je tente le coup : as-tu d’autres projets d’écriture ?


Luc Fori : J’écris en ce moment quelques pages sur mon enfance. Je suis surpris par les détails qui me reviennent. Mais cet exercice n’a d’intérêt que pour moi. J’ai d’autres projets, un Carvault en Australie dont je n’ai que le titre : Choisis ton camp Gourou ! Et une autre fiction mettant en scène les gosses d’aujourd’hui et leur addiction aux écrans. Mais en aurai-je le courage ?  

Pascale Cherrier

Les polars de Luc Fori :

 Corsaire éditions, « Pavillon noir » :

  • Choc Berry blues, 2011
  • Connexions tragiques, Net pas net et chat méchant, 2012
  • Si les petits cochons te mangent pas, 2015
  • Vade retro, 2017

Editions La Bouinotte

  • La part du loup, 2019

 Inanna Editions :

Coup franc indirect, 202

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