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L’ Air du temps
Trois poétesses devisaient sous un grand saule
Avant que la pluie ne lave leur cantilène
Ecoutez ces paroles qui volaient au sol
La première d’une voix grave disait sans haine :
-« Le marteau est tombé sur l’enclume du temps
L’époque se fourvoie se retire et se rend
La parole s’étiole à servir les puissants
Tout se vend s’équivaut se vide à nos dépens
Au miroir de la vie le reflet prévaudrait
Une foi sans conviction pousse sur les galets
La trame des héros s’est pendue à nos cordes
Déroulant ses longs fils à l’aube monocorde »
-« Comment ? Ecoutez bien les éclats de ma voix
Couvrent- ils pas la votre et ne charment -ils pas ?
Au ciel de vos tourments s’illumine la scène
Des amours déchirants de la douce sirène
Dans un riton sculpté buvons à l’amitié
Je chanterai sans peine la joie de mon coeur
La pâleur de l’aurore sous ce saule éploré
Le jour se lèvera sur l’ombre de vos malheurs »
-« Gare à toi ! venue des bords de la Mer Noire
- Descendant le long fleuve de la mémoire
Je viendrai te défier sur mon fier destrier
Le sein bandé vers cette terre inhabitée
Vois l’arc de mes jambes la brisure de mes os
L’ amazone tatouée sur le grain de ma peau
Je planterai ma lame dans le coeur des Géants
Chacun admirera la beauté de mon chant »
Ainsi se creusait le cercle des poétesses
Dans une blanche carrière enchanteresse
Au loin sonnait le glas des bateaux sombres
Levant les voiles des défunts vers l’autre monde
Barbara Bordes , 06/10/20
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