Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Association  l'Ours Blanc

L'Ours Blanc est une association à but non lucratif de type "loi 1901", qui a pour objectif de regrouper 
des créateurs, artistes ou intellectuels d'expressions diverses, afin de faciliter la réalisation d'œuvres communes ou individuelles. L'Ours Blanc, 28 rue du Moulin de la Pointe, 75013 Paris

Un article de Christian Rome sur "Entretien avec Valère Staraselski"

Publié le 19 Mars 2016 par Ours Blanc

Vincent Ferrier

Entretien avec

Valère Staraselski

 

 

Ce premier ouvrage de la collection « Portraits » des Editions de l’Ours Blanc est consacré à l’écrivain Valère Staraselski. Il se compose de deux parties : un entretien avec Vincent Ferrier et une recension d’articles sur les principaux livres, romans, nouvelles, essais de Staraselski, qui font écho aux propos de l’écrivain. Car ce portrait, qui dessine la personnalité singulière de l’auteur de L’Homme inutile et d’Une Histoire française, s’élabore surtout à partir de l’analyse des thèmes et des idées que l’on retrouve dans l’œuvre.

Quelques réponses aux questions initiales de Vincent Ferrier, plantent les bases autobiographiques du parcours de l’écrivain : l’enfance, le milieu social d’origine, l’ancrage dans la culture populaire ; et surtout la lecture comme apprentissage de la liberté, comme outil de connaissance et comme moteur du désir et d’ouverture sur la possibilité de créer sa propre vie. Ces éléments biographiques, plus suggérés que narrés, sont livrés avec une certaine pudeur. Ceux qui connaissent Valère, ses proches ou ses amis, ne manqueront pas de faire le lien avec des événements de sa vie personnelle lorsqu’il évoque l’abandon, le rapport au père, la maladie de la mère ou la perte de la femme aimée.

Né un 18 janvier 1957 à Créteil, Staraseslki grandit dans une famille modeste qui n’est pas la sienne et très jeune, dès l’âge de 15 ans doit travailler tout en menant à bien des études qui le conduiront jusqu’à une licence d’Histoire et un doctorat de Lettres. Animé très vite d’un désir d’autonomie et d’émancipation - il veut devenir écrivain – Valère Staraselski occupe des emplois variés : aide-électricien, serveur, agent hospitalier, documentaliste attaché parlementaire au Sénat, chargé de cours à l’Université. Dans le long chemin qui le conduit à l’atteinte de son idéal et à une certaine ascension sociale, il reste cependant fidèle aux valeurs de la classe populaire dont il est issu : rigueur, sens du devoir, solidarité, goût et respect du travail. Ces valeurs fondent sa démarche d’écrivain, essais, nouvelles et romans, et participent de son engagement politique personnel auprès du Parti Communiste Français. Pour lui la création littéraire n’est pas séparée de la vie sociale, politique, de la réalité – parce que « le réel, c’est d’abord les autres » - et aussi de l’Histoire dont la mise en perspective des événements possède la capacité d’éclairer le présent.

Grand lecteur, féru de littérature, Staraselski nourrit aussi son œuvre de deux autres sources : la littérature elle-même, classique et contemporaine, et la réflexion sur la dialectique entre réalité et fiction, imagination et vérité, qu’illustre notamment le fameux concept de « mentir vrai » d’Aragon. Aragon, dont il est un des meilleurs spécialistes français, et auquel il a consacré une thèse et plusieurs essais. Mais pour lui la littérature semble être en priorité un outil d’émancipation et de connaissance pour soi-même - « L’écriture, que je lise ou que j’écrive, me sert à me situer dans le monde que je dois comprendre. » - et pour les autres, car « l’œuvre de l’artiste participe de la connaissance du monde. Et donc de sa création. » Et il cite Baudelaire qui se référant lui-même à Kant écrit « L’imagination est la reine du vrai. »

 

Les questions pertinentes de Vincent Ferrier conduisent au cours de l’entretien à l’exploration de différents thèmes qui font partie intégrante de l’œuvre de l’écrivain, parmi lesquels la fonction de la littérature et de l’art, le concept de nation, l’altruisme, le christianisme, l’amour, le communisme.

Ces thèmes sont illustrés par des références littéraires où sont convoqués de nombreux écrivains classiques et contemporains, Balzac, Proust, Zweig, Virginia Woolf Pierre Drachline, Panaït Istrati, Pasolini, Jean Grosjean, Bernard Giusti. L’échange fructueux avec Vincent Ferrier fait émerger progressivement la singularité de l’écrivain Valère Staraseslki.

Quelques exemples : en citant Oppeiheimer - « Les convergences entre Chrétiens et communistes sont plus fortes que les divergences, les démocraties sont nées dans le monde judéo-chrétien » - Staraselski défend cette idée que le Marxisme et le Communisme ont puisé leurs sources, en ce qu’ils ont de meilleur pour l’homme, dans le Christianisme. (On songe au film de Pasolini L’Evangile selon Saint Mathieu où l’on voit Jésus tel un communiste militant chasser sans ménagement les marchands du temple.)

Un autre trait de l’homme et de l’écrivain, à l’heure où la gauche française porteuse de désillusions semble décourager les militants les plus motivés, c’est la fidélité, aux idées, aux convictions, aux engagements de sa jeunesse, et à l’idéal de servir plutôt que de faire carrière. « Et de servir avec, à partir de la seule organisation, structure ouverte et accueillante alors pour les gens comme moi qui venaient des couches populaires : le Parti Communiste. Et cela, en dépit de la lucidité sur les inconséquences actuelles de la gauche, car, comme le dit Vincent Ferrier, « la résignation est le début du consentement. » Scott Fitzgerald, qui d’après ce que l’on sait, n’était pas communiste, écrivait dans la Félure : « On devrait par exemple pouvoir comprendre que les choses sont sans espoir, et cependant être décidé à tout faire pour les changer. » Voilà qui pourrait résumer la posture de Staraselski, à ceci près que lui na pas perdu l’espoir. Ce sens de la solidarité, porté par l’idéal communiste, conduit à l’altruisme indispensable qui, pour nous faire exister pleinement, doit faire passer les autres avant nous-mêmes. Virginia Woolf, dans Les Vagues, exprime cette idée : « « Je ne crois pas à la valeur des existences séparées. Aucun de nous est complet en lui seul. » Une existence séparée, inconcevable sans l’autre par excellence : la Femme. Car rappelle-t-il, en référence à la chanson de Piaf : « … sans amour, je ne suis rien. Mais alors-là, que dalle ! Un poisson qui s’asphyxie sur la rive. »

Une dernière idée, puisée dans ce riche entretien : « Pour écrire, il faut aimer le travail. » A méditer.

Un ouvrage qui invite fortement à lire ou à relire les romans et nouvelles de Valère Staraselski mais aussi ceux des nombreux auteurs qu’il cite, en véritable passeur de littérature.

 

Christian Rome

Commenter cet article