"Je cheminais tranquillement le long des rives paisibles d'un lac , paradis végétal bucolique prospérant à l'ombre de magnolias et de saules .
Mais étrangement , aucun oiseau , aucun insecte , aucune cigale , aucune petite faune , aucun cri , aucun bruit ,aucun signe de vie animale dans cette solitude botanique .. , seul murmurait le bruissement des feuillages dans la brise .... Je m'arrêtais , troublé par cette bizarre quiétude .
Toute proche , s'élevait une butte dominant le paysage alentour .
Je résolus de gravir cette modeste éminence .
Tout au sommet , s'ouvrait une cavité dans le rocher ; curieux comme toujours , je pénétrais dans cet antre .
Je m'enfonçais lentement dans un labyrinthe de grottes s'étendant profondément sous la colline ; je traversais de lugubres catacombes où je distinguais à ma vive surprise des statues alignées dans la pénombre , comme si tout un peuple m'attendait : vision irréelle et angoissante d'être cerné par des êtres énigmatiques , certaines sculptures se trouvaient dans des niches et me regardaient , interrogatrices ou indifférentes , d'autres étaient géantes , ou minuscules , d'autres encore étaient couchées face à face , enchâssées dans le roc , poursuivant une interminable conversation avec une déesse égarée dans la nuit des temps ...
Frappé de stupeur devant cette assemblée silencieuse , j'étais comme subjugué , mais je me sentais pousser à poursuivre ma tortueuse exploration . Dans des cryptes sépulcrales , des colosses aux regards terrifiants, aux armures épaisses et aux armes dégainées , protégeaient toute cette foule immobile pour l'éternité...
J'aperçus de vieilles femmes accroupies au pied de redoutables statues ,figées comme des prêtresses de cultes oubliés , qui vivaient dans la nuit et servaient les dieux .Des fleurs fanées jonchaient le sol de sable . Je marchais au hasard, titubant dans ces boyaux dédaléens , comme ensorcelé sous l'emprise de cette multitude méditative qui me scrutait , m'évaluait , m'accusait ..... Le silence était poignant , écrasant .... ... L'atmosphère était fétide et miasmatique... J'avais de plus en plus de mal à respirer dans cette néfaste géhenne ....
Je décidais de regagner la sortie de cette antre ténébreuse , je rebroussais chemin , en empruntant le même itinéraire . Mais après avoir marché un long moment , je me retrouvais à mon point de départ . Une certaine anxiété me saisit, je recommençais précautionneusement ce même glauque chemin mais revins au même point .
Je fis une troisième tentative , mais en vain ...Une terreur panique me gagnait ; je n'avais aucun moyen de communication avec le monde extérieur ....Personne ne savait où j'étais allé me promener ... Je me sentis pris au piège dans un étau implacable ...
Je m'étais égaré dans ce dédale opaque inextricable , j'étais perdu dans ces funèbres souterrains , ma situation devenait très critique ... Je demeurais prostré un moment puis je refis en sens inverse le chemin très lentement en examinant chaque rais de lueur , chaque faille dans le roc , mais ce fut en vain ... Pas la moindre interstice ...
Je m'assis entre deux sévères figurines , près d'une antique vestale toute parcheminée couchée au pied d'un Bouddha hilare , ravi sans doute du bon tour qu'il m'avait joué .....
J'étais comme prisonnier d'une force maléfique irrépressible qui m'interdisait de m'échapper ,j'étais emmuré, dans un cachot obscur sans espoir ...
J'étais condamné à une mort lente mais irrémédiable , au milieu de ce cénacle démoniaque qui allait me regarder mourir ... mon désespoir était indicible , je sombrais dans la folie ...je sentis le peuple de statues danser autour de moi , en une cérémonie rituelle venant du fond des âges . Je perdis conscience ....
Quelques jours plus tard , une équipe de spéléologues pénétra par hasard dans la caverne et découvrit un être inanimé mais encore en vie . Pris en charge sur-le champ , le promeneur imprudent fut sauvé et est actuellement en convalescence , quoique extrêmement affaibli et en état de choc.
Un fait qui frappa les sauveteurs , c'est que l'endroit où le corps gisait se trouvait non loin de la sortie de l'antre ... comme si , par un effort surhumain , il avait tenté de s'arracher à la fatale emprise ....
Qui sait ...?
Michel Humbert 2 septembre 2022
Commenter cet article